Indice syntec 312,3

Analyse des enjeux de transformation stratégique 2020

Pour mémoire, la Fédération Syntec rassemble les secteurs de services qualifiés aux entreprises – numérique, ingénierie, conseil, formation professionnelle, événementiel – et représente une branche de près d’un million de salariés et 80 000 entreprises.

La crise du COVID-19 semble fonctionner comme un accélérateur de tendances, alors même que sur certaines de ces tendances, la France souffre d’ores et déjà de retards, certains secteurs ayant tardé à s’adapter aux nouveaux enjeux.

Trois enjeux caractérisent la transformation stratégique du secteur des professions de service à haute valeur ajoutée dans un monde de l’après crise résilient :

  • la relocalisation souveraine à des fins de consolidation de la chaîne de valeur
  • l’investissement massif au service de la résilience des territoires et du développement des compétences
  • le rôle de pivot dans la responsabilité sociale et sociétale des entreprises et dans la transition environnementale

1. La contribution des professions de service à haute valeur ajoutée à la relocalisation souveraine afin d’améliorer la résilience de l’ensemble de la chaîne de valeur

1.1 La restructuration des marchés et la reconquête d’une forme de souveraineté en France et en Europe sur les activités essentielles pour repenser la mondialisation

1.1.1 La nécessité d’une nouvelle approche de la mondialisation de la chaîne de production pour éviter les risques d’interdépendance stratégique 

La crise souligne une relocalisation nécessaire des activités de certains secteurs stratégiques pour assurer notre sécurité dans ces secteurs. Il apparaît indispensable de préserver une indépendance numérique et technologique (intelligence artificielle, cyber-sécurité, nanotechnologies….) dans un contexte international hyperconcurrentiel et soumis aux évolutions géopolitiques (remise en cause du multilatéralisme, gestion des frontières,…). Il s’agit de prendre en compte dans la relocalisation de certaines industries le reste de la chaîne, notamment l’amont et les services et industries d’approvisionnement. Ils délivrent en effet des services à très forte valeur ajoutée pour ces industries avals qui produisent sur les territoires. Si cette relocalisation est souhaitable pour limiter notre dépendance, elle permet également de limiter l’impact carbone, lié au transport de produits et marchandises.

Cette nouvelle approche doit s’appréhender au niveau national mais aussi européen, en créant au niveau européen un observatoire des chaînes de valeur ayant pour mission d’identifier les fragilités des stratégies industrielles poursuivies par les entreprises européennes et d’apporter des réponses en matière de politiques publiques pour reconstruire les filières industrielles dans les principaux secteurs stratégiques, en veillant à éviter tout phénomène d’hyper-concentration dans les quelques territoires européens les plus développés et prospères.

Les services à forte valeur ajoutée ont un rôle stratégique à jouer dans une relocalisation compétitive en France et en Europe des chaînes de valeur industrielles et dans les transformations des filières stratégiques. La Fédération Syntec, par ses métiers, détient un éventail de solutions propres à apporter un soutien à la relocalisation stratégique : le numérique, qui va aider à relocaliser de manière compétitive et durable les chaînes de valeur et limiter leur fractionnement ; l’ingénierie, qui est en capacité de jouer un rôle d’accélérateur par la réalisation d’études techniques par filière et par bassin d’emploi et le pilotage de chantiers infrastructurels pour optimiser ces relocalisations et d’accompagner les entreprises industrielles à gagner en agilité et à investir davantage dans l’industrie 4.0 ; le conseil pour accompagner les stratégies d’études de marchés, de réimplantation d’unités de production, de transition environnementale et de transformation des business model ; la formation professionnelle, qui permet la flexibilité et l’adaptation des ressources entre secteurs et l’adaptation des compétences ; l’événementiel par le levier de développement commercial et territorial, de visibilité et de rayonnement qu’il constitue pour ces nouvelles offres.

1.1.2 Le sujet de la relocalisation en France d’unités de production renvoie également à l’attractivité du territoire français

Dans cette logique de relocalisation des chaînes de valeur et de limitation de leur fractionnement, il est indispensable d’assurer une attractivité des activités et des emplois sur le territoire français, afin de limiter les facteurs ayant conduit à leur délocalisation.

Le coût du travail est certes un déterminant de la compétitivité en France, toutefois les impôts et taxes de production grèvent également fortement les coûts de production. En parallèle de la baisse de l’IS (31Mds€) programmée à 25% d’ici 2022, l’enjeu majeur semble être la réduction de la taxation des facteurs de production (72Mds€). En effet, pour rappel, le poids des impôts de production, c’est-à-dire ce qui taxe le produire en France, représente presque 3 points de PIB en France, contre moins de 0,5 en Allemagne et moins de 1 point en moyenne de l’UE.

C’est pourquoi la Fédération soutien la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). En effet, la France est le seul pays à avoir un tel impôt sur le chiffre d’affaires, contre-productif économiquement. Il s’agit d’une taxe sur l’exportation, puisque la taxe se paye à chaque étape de production. Il s’agit en outre d’une subvention à la délocalisation ou à l’importation, puisque les biens intermédiaires sont taxés s’ils sont produits en France.

La suppression de la C3S permettrait d’améliorer la compétitivité-coût et la productivité des entreprises et bénéficierait y compris aux TPE et PME non redevables de cet impôt, par un effet de cascade, cet impôt se diffusant à l’ensemble du tissu productif par un mécanisme indirect d’amplification sur les prix.

Dans cette même logique d’attractivité du territoire, la Fédération soutient par ailleurs une baisse de la fiscalité locale, passant par une diminution du plafond de la contribution économique territoriale (CET)[1] de 3% à 2%. A plus long-terme, elle est favorable à la suppression de la CVAE, qui représente 13 Mds€ payés par les entreprises en 2018, soit le 3eme poste d’impôts aux entreprises.

La création de zones franches de relocalisation est également à étudier. Ces zones franches pourraient proposer des incitations fiscales (déductions fiscales pour l’embauche de jeunes et de demandeurs d’emploi, suramortissement des investissement numériques et environnementaux, allègements supplémentaires d’impôts et de taxes supplémentaires) et réglementaires (urbanisme, délais administratifs, à l’exclusion des réglementations environnementales et liées aux questions de santé et de sécurité) aux entreprises qui s’y implanteraient s’il est établi que leur installation ou celle de leurs prestataires à forte valeur ajoutée permet la relocalisation d’activités stratégiques. Ces zones franches devraient notamment être mises en place là où elles ne viendront pas accentuer le phénomène de métropolisation mais au contraire là où elles contribueront à la revitalisation de zones urbaines moins concentrées et plus éloignées des principaux centres économiques, dans une logique d’aménagement du territoire.

[1] Composée de la CVAE et de la contribution foncière sur les entreprises (CFE).

1.2 Des axes d’investissements prioritaires qui vont permettre la relance et impulser des orientations stratégiques dans un monde de demain plus résilient et plus durable

 La période de l’après-crise est l’occasion de mettre en exergue des investissements stratégiques, la France présentait en effet une croissance potentielle relativement faible en comparaison de ses voisins européens avant la crise et un retard sur certaines tendances sous-jacentes fortes comme la digitalisation, la transition écologique et la formation :

1.2.1 Le rôle clé du numérique pour bâtir une société plus résiliente aux crises  

Le numérique a eu une action clé au cœur de la crise, notamment par la contribution de plusieurs entreprises de la branche à la gestion « numérique » de la crise (contact tracing, mais aussi IA pour l’hôpital, etc.).

Par ailleurs, pendant le confinement de nouvelles habitudes de consommation et de travail se sont développées et devraient s’inscrire dans la durée, en transformant en profondeur certains secteurs économiques : digitalisation (e-commerce), nouveaux modes d’organisation reposant davantage sur le télétravail…

Le numérique fournit également des services fondamentaux à distance (télémédecine, e-learning, etc.) et présente la capacité à réduire la fracture territoriale avec pour prérequis la réduction de la fracture numérique.

 Pour poursuivre ce mouvement, il paraît nécessaire d’amplifier le soutien à la transformation numérique des TPE-PME. Les écarts entre les grandes entreprises et les TPE et PME dans leur transition numérique sont encore trop nombreux. Toutes les entreprises, et notamment les plus petites et les plus fragiles, doivent pouvoir se préparer et réaliser leur transformation numérique. Elles doivent pouvoir disposer d’un soutien à cet effet.

Depuis octobre 2018, au travers d’une plateforme unique, « France Num » a l’ambition de permettre la coordination des partenaires publics et privés accompagnant la transformation numérique des entreprises et de l’économie. Il paraît par conséquent indispensable :

  • d’augmenter l’implication des collectivités locales dans le dispositif France Num pour adapter l’outil aux spécificités régionales ;
  • d’augmenter le financement de France Num par l’Etat et assurer une large communication auprès des entreprises comme du grand public sur les ressources disponibles sur la plateforme ;
  • de faciliter la mise en réseau des initiatives locales pour la transformation numérique des TPE-PME (événements, financements dédiés, etc.) pour permettre leur passage à l’échelle ;
  • de créer un crédit d’impôt « transformation numérique » en 2021.

Afin d’aider les TPE, PME et ETI à réussir le cap de la transition numérique et d’assurer une montée en gamme et de faire jeu égal avec les concurrents européens, il est nécessaire de sécuriser les investissements pour moderniser l’outil de production français et de stabiliser l’environnement fiscal pour offrir aux entreprises les conditions d’une dynamique d’investissement productive.

Dans ce cadre, il semble souhaitable :

  • de pérenniser les mesures de suramortissement, incluant un large spectre de produits et solutions éligibles (et notamment les logiciels soutenant la production, dispositifs de cybersécurité, matériel informatique, etc.) à 2021 et 2022 à un taux de 60% ;
  • d’élargir le suramortissement à 100% pendant 6 mois pour favoriser la relance des entreprises auprès la crise.
1.2.2 La place fondamentale de la transition écologique et environnementale pour les professions de services à haute valeur ajoutée qui s’engagent vers un modèle plus durable et plus sobre en carbone

L’accélération puissante de la transition environnementale, avec l’appui des métiers des professions de services à haute valeur ajoutée, s’inscrit également dans une logique d’amélioration de la résilience des chaînes de valeur. Les investissements sont en effet créateurs d’emplois non-délocalisables et contribuent directement à une transition bas-carbone juste (atténuation, adaptation, réduction des vulnérabilités et renforcement des capacités de résilience).

Les fragilités que révèle le Covid-19 s’inscrivent dans une approche systémique et plus globale, qu’il est nécessaire de prendre en compte pour apporter des solutions. La Fédération Syntec est convaincue qu’il est indispensable d’appréhender cette crise comme un avertissement de ce que nous risquons d’affronter pour résoudre la question environnementale et climatique et qu’il est indispensable de bien inclure la transition écologique, qu’il convient d’accélérer, au cœur du modèle économique de l’après-crise compatible avec les objectifs de l’accord de Paris.

Notamment, parce qu’elle intervient dès la phase de conception des projets, l’ingénierie a un impact potentiel déterminant sur l’empreinte carbone finale des infrastructures d’eau, de transport, d’énergie, de traitement des déchets, des bâtiments, des technologies, des équipements et des procédés industriels. Syntec-Ingénierie a ainsi proposé à l’ensemble de ses entreprises membres de Syntec-Ingénierie de signer une Charte pour le climat pour concrétiser leur engagement quotidien en faveur du climat. En signant cette Charte, elles s’engagent à être force de proposition dans les missions et les projets qu’elles réalisent pour en réduire l’empreinte carbone et à adopter durablement des pratiques internes sobres en carbone et à diminuer leurs propres émissions de gaz à effet de serre.

Il semble crucial de maintenir un haut niveau d’ambitions environnementales et climatiques et les placer au centre des projets :

  • inciter les collectivités locales à investir dans de nouveaux projets durables et adaptés au changement climatique, engager un vaste plan de relance en faveur de l’efficacité énergétique des bâtiments et des infrastructures sobres en carbone (massifier la rénovation énergétique à l’échelle des quartiers, concevoir des bâtiments à usage multiple, libérer le foncier pour répondre aux besoins de logement et végétaliser les villes) ;
  • accélérer les grands projets décarbonés en cours ou prêts à être engagés, s’inscrivant pleinement dans une trajectoire verte, moderniser les infrastructures ferroviaires et engager un plan de relance des énergies bas carbone et des économies d’énergie ;
  • mieux prendre en compte les principes de l’économie circulaire, le recyclage et la réutilisation des matériaux (sols, roches, …), restaurer la biodiversité, favoriser les circuits courts.

En vue de cette transition, il convient d’utiliser toutes les opportunités offertes par les nouvelles technologies pour faire converger transition numérique et transition écologique. Cet engagement en faveur d’un modèle plus durable, qui s’appuiera nécessairement sur une digitalisation des process (dématérialisation des procédures, BIM, …) et sur un développement, voire une généralisation du télétravail devra s’accompagner d’une réflexion sur l’impact du numérique sur l’environnement (en termes de consommation énergétique, de stockage de données, envoi de mails, …), le numérique constituant à la fois un outil comme un défi pour la transition écologique.

Sur le volet outil, il paraît pertinent d’utiliser les potentialités de l’intelligence artificielle au service de l’environnement. La France a déjà une feuille de route en IA qui prévoit notamment des « Grands Défis ».

Grâce à des recommandations réalisées à l’aide d’algorithmes, l’intelligence artificielle offre des opportunités considérables pour résoudre le défi environnemental. De nombreuses initiatives mobilisent ainsi l’intelligence artificielle pour lutter contre la pollution, préserver la biodiversité, construire des politiques plus vertes.

Il serait possible de créer des défis sectoriels concentrés sur l’environnement en mettant en place des plateformes ou des appels à projets de mutualisation des données pour réaliser ces défis.

Concernant le volet défi, il est nécessaire de donner les moyens aux entreprises de mesurer l’impact environnemental de leur système d’information. La mesure de l’empreinte environnementale des produits et services technologiques constitue le préalable à la réduction de celle-ci. Or, cette mesure peut s’effectuer selon des méthodologies complexes et l’exercice est aujourd’hui très peu accessible pour les entreprises, notamment pour les PME et TPE. Il est ainsi nécessaire :

  • de s’accorder sur les méthodes de quantification des impacts environnementaux du numérique et mettre en place des outils d’évaluation des impacts, simples et accessibles, pour mesurer et réduire l’impact environnemental de leurs produits et services numériques ;
  • de partager les principes permettant d’établir la mesure d’une empreinte environnementale de ces services numériques, applications, infrastructures et aider les entreprises à modéliser leur trajectoire d’émissions de GES (notamment sur la base des scénarios préconisés par le SBTi) ;
  • de rendre éligibles les démarches de mesure d’impact et d’amélioration des services numériques au Crédit Impôt Innovation (CII).

2. L’investissement en capital humain et la résilience territoriale pour mieux anticiper et gérer les transformations de l’économie et de la société

 Les compétences et le capital humain, levier majeur d’une reprise économique et sociale durable du pays

 2.1.1 La formation professionnelle comme une arme contre le chômage dans un monde plus incertain et changeant

 La Fédération Syntec est parfaitement consciente du rôle attendu des entreprises dans la lutte contre le déterminisme social et les inégalités, c’est pourquoi elle a mis la formation tout au long de la vie au cœur de ses actions depuis plusieurs années. Toutefois, dans un contexte de sentiments d’inégalités exacerbés au cours de la crise, elle considère la formation professionnelle comme la clé du maintien de la cohésion sociale et appelle à la construction de passerelles professionnelles permettant de mettre les compétences des salariés qualifiés au service du redressement de l’activité du pays.

Au niveau national, l’investissement dans les compétences sera indispensable pour réindustrialiser notre pays, et relocaliser des filières de production stratégiques. En complément de l’activité partielle, il est nécessaire d’anticiper et d’organiser les dispositifs de transferts massifs de compétences (formation, reconversion) des secteurs sinistrés et qui le resteront durablement vers des secteurs durables porteurs, pour préserver l’emploi et les compétences des salariés.

Cela nécessite des mesures de simplification dans l’accès et l’investissement en formation avec pour principaux objectifs les suivants :

  • l’investissement en compétences doit porter principalement sur les actifs salariés qui seront en grande partie les acteurs d’une reprise durable de l’économie. Il est nécessaire d’accompagner les plans de transformation écologique et digitale qui misent sur la formation, par exemple en défiscalisant les dépenses matérielles et immatérielles liées à ces projets de transformation.
  • l’investissement en compétences doit s’appuyer sur les innovations de la réforme loi Avenir Professionnel : l’ouverture de l’apprentissage et la rénovation du CPF notamment. Mais améliorer aussi structurellement ce qu’elle n’a pas « réglé ». Aujourd’hui, la France n’a plus de mesures incitatives pour la formation des salariés des PME et des ETI, qui représentent pourtant plus de 10 millions des salariés en France (la moitié des salariés du privé en France);
  • la commande publique de formation doit aussi être repensée pour les publics les plus fragiles et notamment les demandeurs d’emploi ;
  • l’investissement en compétences doit s’appuyer sur une filière du développement des compétences performante, agile et inclusive afin que l’offre puisse apporter les meilleures réponses possibles aux besoins et à la demande ;
  • l’investissement en compétences doit aussi davantage reposer sur des initiatives et expérimentations privées en soutien des politiques publiques.

La France et l’Europe doivent se mobiliser pour être les moteurs d’un nouveau modèle économique et social plus résilient et plus inclusif, alors même que l’investissement dans les compétences permet d’éviter un coût social et de finances publiques fort induit par la hausse du chômage.

Au niveau européen, il est nécessaire de porter une nouvelle vision des normes comptables et des actifs immatériels pour valoriser les entreprises vertueuses en matière de stratégie et d’investissement dans le capital humain, et pour ces entreprises, faciliter l’accès à des prêts et aux marchés publics.

2.2.2 Un plan de relance de l’alternance à mettre en œuvre pour assurer l’insertion professionnelle des jeunes

L’alternance (contrats de professionnalisation et contrats d’apprentissage) répond à un double objectif de formation et d’insertion professionnelle de jeunes et de demandeurs d’emploi d’une part, et de recrutement et d’intégration de profils qualifiés dans les entreprises du secteur de professions de services à haute valeur ajoutée. Notre secteur d’activité s’est investi depuis de nombreuses années dans la promotion de ses métiers et dans la valorisation de l’apprentissage à travers des actions d’attractivité, de sécurisation des parcours et d’insertion professionnelle.

Cette dynamique est actuellement freinée par la situation sanitaire et la mise en activité partielle d’un grand nombre d’entreprises du secteur (dont les alternants). Les recrutements en alternance à venir sont à ce jour gelés dans l’attente de la reprise d’activité.

Afin d’accompagner la reprise d’activité des entreprises du secteur tout en relançant les recrutements en alternance, des mesures incitatives peuvent être mises en œuvre :

  • développer la Préparation opérationnelle à l’apprentissage (POA) : favoriser l’insertion professionnelle par le biais d’un accompagnement vers la signature d’un contrat d’apprentissage et permettre de préparer les jeunes de nos territoires aux réalités de l’entreprise, de sécuriser leur parcours de formation et ainsi augmenter leurs chances de réussite par la signature d’un contrat d’apprentissage ;
  • mettre en œuvre une exonération totale : des charges patronales et salariales pour l’embauche en CDI des jeunes diplômés et des charges patronales et salariales pour les tuteurs et les formateurs internes (à partir d’un certain nombre d’heures de formation dispensées) ;
  • ouvrir l’éligibilité de l’aide aux employeurs d’apprentis afin de la rendre accessible à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, et pour tous les niveaux de qualification (en rouvrant notamment la possibilité de l’aide unique à l’embauche pour un contrat d’apprentissage dans le supérieur).

2.2 L’amélioration nécessaire de la résilience territoriale pour faire face aux chocs

2.2.1 Une dimension territoriale plus forte pour les entreprises à l’issue de la crise

La digitalisation des modes de travail permet d’envisager un autre modèle que la métropolisation actuelle, et une meilleure irrigation dans les territoires du secteur économique. Le télétravail généralisé à l’échelle du pays lorsque cela était possible pendant la crise amène ainsi à repenser le lien entre l’entreprise et son lieu d’implantation.  Dans cette réflexion de sortie de crise, face à l’appétence pour les circuits courts et la nécessité de repenser la localisation des chaînes de valeur, il paraît plus que jamais indispensable d’accroître le lien entre les entreprises et les territoires pour permettre une meilleure résilience territoriale.

Les professions de services à haute valeur ajoutée ont un rôle majeur dans la réduction de la fracture territoriale, en contribuant à la réduction des inégalités territoriales et la revitalisation des territoires en cours de désertification.

La Fédération Syntec réfléchit ainsi actuellement à des solutions à inventer pour réimplanter des emplois dans des territoires non saturés, par exemple par la création d’une cinquantaine de tiers lieux Syntec dans les villes moyennes désertées (anciennes sous-préfectures). Ce réseau viserait à créer de nouveaux modèles entrepreneuriaux responsables et ancrés sur le territoire, dans un contexte de fin de l’opposition entre industrie et services et dans une logique d’économie territoriale circulaire pour créer de la richesse restant sur le territoire, avec un effet d’entrainement et de partage de la valeur créée. Ces tiers lieux mettraient en contact les grandes entreprises afin qu’elles puissent aller chercher leurs sous-traitants, avec une garantie d’expertise et de qualité de métiers de la branche, également dans une logique de développement de l’apprentissage (lien étroit avec les CFA locaux).

2.2.2 Le numérique comme solution de reconversion et de solidarité territoriale

La révolution numérique aggrave les inégalités (cercle vicieux de la polarisation des emplois) en raison d’un manque d’accompagnement des mutations technologiques et de la transformation numérique des territoires les plus éloignés. Certains secteurs d’activités peuvent être mis en difficulté par la conjoncture économique ; les entreprises sont parfois contraintes à la rupture des contrats de travail (PSE, rupture conventionnelle individuelle ou collective…). Or, ces collaborateurs, potentiels demandeurs d’emploi et / ou poussés à envisager une reconversion professionnelle, peuvent avoir des appétences et des niveaux de qualification proches de ceux des métiers numériques, quel que soit leur fonction ou leur secteur d’activité d’origine.

Numéric’Emploi a été mis en œuvre par Syntec Numérique dans la région Grand Est pour les entreprises du secteur numérique avec la collaboration du Conseil régional et de Pôle Emploi. Cette expérience, lancée il y a 6 ans, a eu des résultats positifs : 500 dossiers traités par an, incluant plus de 200 stagiaires orientés vers des formation dont le taux d’insertion est de 80%. Elle permet de proposer un dispositif national élargi à tous les secteurs d’activités et d’augmenter le nombre de candidats accompagnés vers les métiers du numérique.

Pour déployer le dispositif à plus grande échelle, il convient :

  • de promouvoir Numéric’Emploi au niveau national, auprès des Conseils régionaux et des directions régionales de Pôle Emploi, pour le déployer massivement dans toutes les régions françaises en partenariat avec les entreprises locales du numérique et les régions ;
  • d’établir une convention dans chaque région entre l’Etat, le Conseil régional et les organisations professionnelles engagées afin d’officialiser le dispositif sur le territoire ;
  • d’élargir le Plan d’investissement pour les compétences (PIC) à tous les demandeurs d’emploi sans condition de niveau de qualification.

Plus largement, il est nécessaire de créer un dispositif Numeric’Actifs de reconversion plus global pour ouvrir des opportunités d’évolution professionnelle – par des formations aux compétences numériques – aux salarié(e)s dont les postes sont en risque, et ce sur l’ensemble des territoires. Sur le modèle de Numéric’Emploi, il serait souhaitable de mobiliser des grands acteurs industriels et de services qui s’associent à cette démarche afin de permettre à tous les secteurs de l’économie de profiter de la dynamique exceptionnelle des besoins en compétences numériques.

2.2.3 Les événements comme acteurs forts de la revitalisation territoriale

De nombreux exemples de territoires non métropolitains ont montré qu’une politique événementielle forte et soutenue était de nature à capter des capitaux, attirer des cadres urbains, ancrer sur le territoire des industries et emplois. Par ailleurs, les événements sont des moments fédérateurs qui rassemblent les parties prenantes d’un même territoire, crée du lien et du vivre ensemble. Ils participent ainsi à la revitalisation du lien social dans des territoires qui souvent n’ont plus de lieu de sociabilité.

Les politiques événementielles ont plusieurs objectifs pour s’inscrire dans ce plan de revitalisation :

  • ils composent souvent le contenu permettant à des quartiers et friches industrielles d’être requalifiés en espace événementiel, servant ainsi de fer de lance à l’activité touristique dudit territoire ;
  • ils peuvent cristalliser le savoir-faire d’une région et le faire rayonner à travers un événement phare (exemple de Laval Virtual, événement BtoB à rayonnement international sur l’industrie du virtuel), créant ainsi une dynamique vertueuse en termes de retombées économiques et médiatiques pour des territoires en besoin ;
  • enfin, ils sont vecteurs par nature de synergies entre acteurs locaux, départementaux, régionaux, associatifs, économiques, universitaires, médiatiques, résidents… créant ainsi par leur simple existence une dynamique collective territoriale permettant de créer des consensus et travaux partagés.

Ainsi, il nous parait important que l’événement soit considéré comme une plateforme au service des territoires, et qu’il soit soutenu à ce titre :

  • soutien financier au développement de nouveaux événements au service du projet territorial (économique, scientifique, culturel, sportif et citoyen) de leurs élus permettant de fixer des emplois et soutenir l’industrie locale – régionale ;
  • soutien promotionnel auprès des équipes en charge de ces questions quant aux enjeux fondamentaux et effets d’entrainement d’une stratégie événementielle pensée et structurée.

3. Le secteur des professions de services à haute valeur ajoutée comme pivot dans la diffusion de la responsabilité sociale et sociétale des entreprises

 3.1 L’adaptation nécessaire des entreprises pour gagner en agilité et en résilience

3.1.2 De nouvelles habitudes de travail marqueur d’une forte capacité des entreprises et des salariés à s’adapter

 La Fédération Syntec s’est montrée très engagée dans le recours au télétravail avant la crise et y a recouru massivement pendant le confinement. La crise du COVID-19 a généralisé le télétravail de fait, et cette pratique devrait à l’avenir demeurer une mesure efficace de distanciation sociale, particulièrement adaptée aux professions de services à haute valeur ajoutée. Si cette transformation s’est faite de manière brutale, ce mode de travail a été largement étendu et devrait demeurer tant il est efficace en termes de prévention de l’épidémie mais également en tant que mesure permettant la garantie de continuité de l’activité.

Cependant, les entreprises restent confrontées à des difficultés pour la mise en œuvre du télétravail. En effet, quand le télétravail est mis en place par un accord collectif (entreprise ou branche) ou par décision unilatérale de l’employeur (appelée Charte) l’article L 1222-9 du Code du travail prévoit qu’ils doivent préciser :

  • les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution ;
  • les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
  • les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
  • les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.

Par ailleurs L1222-10 du Code de travail prévoit l’organisation d’un entretien obligatoire qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.

Enfin, et c’est le point le plus négatif, si le télétravail est mis en place par décision unilatérale, il doit respecter les conditions de l’ANI du 19 juillet 2005, notamment les dispositions de l’article 7  qui prévoit que l’employeur doit s’assurer « de la conformité des installations électriques et des lieux de travail » et il « fournit, installe et entretient les équipements nécessaires au télétravail ». L’ANI prévoit également, de façon explicite, que l’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications, contrairement à la loi qui ne prévoit rien sur ce point.

Dans ce cadre, il paraît indispensable :

  • de simplifier le recours au télétravail pour les chartes ou les accords individuels qui restent soumis aux règles énoncées par l’ANI de 2005 : par exemple, supprimer le recours obligatoire à un avenant au contrat de travail lorsqu’une charte est en vigueur dans l’entreprise, et permettre aux entreprises de formaliser des règles plus souples de prise en charge des frais ;
  • d’alléger les items obligatoires prévus par le code du travail (article L 1222-9 du Code du Travail) dans la rédaction des accords d’entreprise ou des chartes mettant en place le télétravail ;
  • de supprimer l’obligation d’un entretien spécifique relatif aux conditions de mise en place du télétravail (article 1222-10 du Code du Travail) ;
  • d’interdire les clauses prévues dans les marchés publics limitant le recours télétravail, sauf motif légitime (cf. interdiction des obligations de domiciliation dans des périmètres définis autour des chantiers tels que prévus dans l’ingénierie du bâtiment) ;
  • de généraliser les clauses relatives au télétravail dans les contrats d’assurance habitation évitant toute démarche pour les salariés et de vérification de cette condition par les entreprises ;
  • d’appliquer une TVA réduite pour les formations dédiées aux pratiques managériales à distance lorsqu’elles sont mises en œuvre via les opérateurs de compétences en compte des situations nouvelles : gestion d’équipe à distance, difficultés personnelles dans le cadre du télétravail, stress lié à l’isolement,…

Par ailleurs, la situation actuelle a bouleversé l’usage de la formation à distance, démontrant de nombreux bénéfices de ce mode d’apprentissage, par ailleurs apprécié des salariés. La Fédération Syntec incite à mettre à profit ce retour positif pour mettre en œuvre des plans ambitieux de développement du e-learning, et de lever les freins à ces dispositifs (conditions, financements OPCO…).

Enfin, le télétravail massif et dans la durée fait évoluer l’accompagnement managérial des entreprises en prenant en compte des situations nouvelles : gestion d’équipe à distance, difficultés personnelles dans le cadre du télétravail, stress lié à l’isolement… Dans ce contexte, la mise en place d’outils et de formations destinés au management est nécessaire pour développer des pratiques de travail adaptées.

3.1.2 Un dialogue social renouvelé pour faire de l’entreprise un rempart face aux crises et un vecteur de sens au sein d’un écosystème

Cette crise présente l’opportunité de placer le dialogue avec les salariés et leurs représentants au centre de la vie de nos entreprises. Un dialogue social renouvelé n’a en effet jamais présenté autant d’utilité et d’importance.

Il semble nécessaire d’adapter son cadre à nos organisations de travail en permettant notamment l’expérimentation de solutions nouvelles au niveau de l’entreprise.

Afin de renforcer le dialogue avec les salariés et leurs représentants, il nous semble nécessaire de :

  • favoriser les réunions des CSE à distance compte tenu de la présence des salariés de nos entreprises hors les murs ;
  • encourager la conclusion d’accord par voie électronique et permettre des temps de négociation à distance ;
  • favoriser les référendums en entreprise pour favoriser un lien direct avec les salariés :
    • en levant les freins techniques aux référendums à distance ;
    • en étendant le recours aux référendums au sein des entreprises de moins de 50 salariés compte tenu de la faiblesse des mandatements.

    3.2 La production de valeur sociétale et responsable au cœur des professions de services à haute valeur ajoutée

    La Fédération Syntec est convaincue que les entreprises sont un maillon clé pour parvenir à une société plus résiliente. C’est pourquoi elle souhaite mettre au cœur de sa stratégie la responsabilité sociétale des entreprises comme levier pour supporter le rebond en sortie de crise et promouvoir la résilience des entreprises face à des crises futures. Le rôle social et sociétal de l’entreprise est en effet majeur pour améliorer la résilience de la société toute entière : par exemple par des actions de solidarité, des relations étroites avec les parties prenantes, des relations avec les sous-traitants, une qualité de vie au travail, un partage de la valeur, une inclusion territoriale,…).

    Avant la crise, la Fédération a élaboré un référentiel RSE sectoriel adapté aux TPE, PME et ETI, qui comprend les cinq piliers de la RSE (gouvernance, social, sociétal, économique, environnemental) pour être le plus complet et le plus transversal possible.

    Il s’agit d’un vecteur de sens pour les entreprises et pour leurs salariés. Les attentes des citoyens, tout comme celles des salariés évoluant, l’entreprise ne peut plus être un simple acteur économique mais se doit aussi d’adopter un modèle économique positif pour ses salariés, ses parties prenantes et son territoire.

    En outre, le référentiel RSE de la Fédération présente la particularité d’être un référentiel différenciant pour les métiers à forte valeur ajoutée de la Fédération. Outre les enjeux de compétitivité et d’attractivité, il porte l’ambition d’intégrer la RSE au cœur même du modèle économique de ses entreprises. En effet, il vise à faire de la RSE un levier de développement business et de création de valeur en la mettant au centre de la stratégie et de l’offre de service, alors même que les services à haute valeur ajoutée constituent une profession à fort effet de levier.

    Parallèlement, le secteur des Rencontres événementielles a déjà pris à bras le corps la nécessité de sa transition éthique et écologique. Ainsi, UNIMEV s’est-elle depuis 10 ans engagée dans une politique RSE ambitieuse, présente l’ambition d’accélérer la transition de la profession événementielle vers des modèles environnementaux circulaires et de haute efficacité carbone, et des modèles économiques fondés sur l’utilité sociétale des événements au service du développement et de la transformation durable des filières, communautés et territoires.

    Une réflexion des pouvoirs publics est en cours pour accorder certaines contreparties qui pourraient découler de l’acquisition d’un label, afin d’encourager de telles démarches il semble souhaitable de :

    Garantir une opposabilité de tels labels RSE aux donneurs d’ordres publics et privés :

    Sur la commande publique, l’objectif est de faire du label RSE un levier de la commande publique par :

    1. Une véritable révision du code des marchés publics en intégrant des critères RSE ;
    2. Une intégration des critères RSE dans le cadre contractuel d’achats publics (piste de l’introduction d’une clause dans les cahiers des charges administratives générales, actuellement à l’étude par la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher).

    Assurer une réelle reconnaissance par l’administration, par un allègement des contrôles administratifs.

    Plus largement, la reconnaissance doit se décliner sur le plan de la formation par un accès facilité au financement pour des politiques de formation en lien avec les OPCO.

    Consulter et télécharger le document d'analyse des enjeux stratégiques